Darts

J’ai trouvé dans Darts le sens d’un rituel, d’un culte, où les personnages sacralisent et démythifient tour à tour la souffrance où l’effort sans atteinte toujours recommencé fait de leur geste le lieu de la conscience et de la mémoire, un point de jonction du présent, du passé et du futur.

Pourquoi je l’ai fait jouer par deux femmes ?

C’est une expérience que j’ai voulu faire ; voir à quel point le public peut, par dessus les particularités de l’acteur, communiquer avec l’action qu’il porte.

Dans cette pièce, les personnages comptent bien peu, ça n’a guère d’importance qu’ils s’appellent Ekkard et Roda, roi et fou, ou bien No. 18 345 et 16 204 ou bien les êtres asexuées et anonymes que j’ai voulu en faire. La seule chose importante, c’est l’incantation sans cesse recommencée de la cruautré qui naît de l’impuissance. Je voudrais que les comédiennes ne soient plus que le cri de cette incantation, incantation à l’état pur, qu’elles s’en détachent elles-mêmes pour la porter comme à bout de bras, hors d’elles — comme la pièce se situe hors du temps, hors de l’espace. Et je voudrais aussi que cette douleur à s’en abstraire soit ressentie par le spectateur.

— Jacques Thisdale