La pudeur des urinoirs
Essai performatif
Olivier Arteau et Fabien Piché
Une création de Théâtre Kata en coproduction avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Vitrine
18 au 28 mars 2021
Idéation et performance
Dans la vitrine du théâtre rue Saint-Denis, les artistes pluridisciplinaires Olivier Arteau et Fabien Piché ne peuvent se dérober à la vue des passant·es et sont soumis au regard du public via une diffusion en direct. Ils mettent à l’épreuve leurs limites physiques et psychologiques dans un essai performatif de longue durée qui explore les différents états du corps. Au cours de deux cycles de plusieurs jours, ils se confinent à deux lieux de vie distincts : un tapis roulant et un casier.
Masculin, féminin, genré, androgyne, maniéré, désinvolte, vulgaire ou pudique, notre corps et nos manières de nous mouvoir sont l’objet de constructions socioculturelles bien ancrées en chacun de nous. Fascinés par les effets de l’épuisement, les deux performeurs cherchent l’espace qu’il nous reste pour exister à l’abri de l’égo et du regard de l’autre et posent la question : nos corps nous appartiennent-ils ? La pudeur des urinoirs est une expérience radicale et totale qui mise sur le caractère vital de la solidarité, de la persévérance et de l’écoute pour venir à bout de la honte.
Une performance en deux volets
Volet 1 : Tapis roulant
Ensemble, à tour de rôle, en talons, en sneakers ou pieds nus, ils se font face et marchent, chacun sur un tapis roulant incliné, accumulant des kilomètres sans jamais pouvoir s’atteindre. Symboles visibles de leur effort, ils doivent maintenir allumées — grâce à l’énergie générée par leur marche — des ampoules reliées à leur dispositif.
Volet 2 : Casiers
Évoquant une période charnière dans la formation des identités, ils s’enferment dans deux casiers de métal de 6 x 3 x 3,4 pieds. À l’intérieur, ils s’immobilisent, s’ennuient, s’invisibilisent. Des ouvertures permettent toutefois à leurs mains de se toucher et ils peuvent dialoguer de façon intime avec le public grâce à une ligne téléphonique.
Combien de temps vivront-ils sous ces contraintes ?
Mot d’Olivier Arteau
Dynamiser l’indéfini
Un enfant-bengale sur un patio froid
coudières / jambières / crème solaire / visière
se d’mande ce qu’il a fait au monde pour hériter de tant de pudeur.
S’aveuglant à coup de papercuts agréables,
l’enfant commencera par marcher en sandale dans le verglas d’juin.
Le petit être se dit désormais qu’il faudra tout désapprendre.
Y’a rien de plus traître qu’une certitude.
L’utopie est en branle, iel rit à gorge nue.
C’est tout ce que j’ai réussi à écrire depuis un an.
Sans savoir pourquoi, il s’est développé en moi une soudaine aversion pour le verbe.
Dans un théâtre d’auteur, ça parait mal…
Mais depuis quelques mois, j’ai le sentiment que les mots circonscrivent trop les idées, les identités, les envies. Qu’il fallait laisser place aux gestes pour tenter de mieux s’indéfinir.
La marche est apparue comme une action fertile pour questionner les violences invisibles qui se sont inscrites en moi : toutes ces inadéquations corporelles qui viennent contrecarrer mes désirs et mes élans. L’immobilisme est, paradoxalement, devenu un acte de résistance face à la fixation des idées.
Cet essai met en oeuvre des souhaits sociaux (et artistiques) qui m’habitent depuis longtemps : soit de décélérer (les processus artistiques) et de déperformer (la scène). Ce sont des heures accumulées de contre-productivité pour s’habiter soi, se réapproprier la notion d’instant.
C’est un appel à la désautomatisation des perceptions et des aprioris, à la décolonisation des idéaux et à l’éloge de la multiplicité qui nous permettra d’éclairer un tant soit peu la suite du monde.
C’est quelques pas vers Utopia Land.
Cet espace à ne jamais définir.
— Olivier Arteau
Mot de Fabien Piché
Déjouer nos immobilités
s’il fallait revenir en arrière,
je créerais un bouclier de lumière à la surface de ma peau tendre
j’affirmerais, j’ondulerais,
j’exploserais de gestes
je serais carnaval multiple,
j’attendrais l’incontrôlable,
simplement
—
mars 2021 — série d’actions pour habiter la vitrine du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
a) marcher
gravir (une pente à l’infini)
changer (de talons hauts)
générer (de la lumière)
b) s’immobiliser
s’invisibiliser (à vue)
s’enlacer (les mains)
dialoguer (au téléphone, intimement)
a+b) évacuer (nos fluides)
accueillir (l’imprévu)
exister (ensemble)
intention : cette partition sera accomplie jusqu’à l’épuisement des performeurs ou qu’une des tâches soit rendue impossible à réaliser
—
par cet essai qui déjoue nos intimités
nous prenons le pari de la marche et de l’immobilisme, oui
(une ouverture, une question abyssale)
un espace à remplir, à ameublir
pour tenter de perméabiliser les certitudes
nous choisissons le geste comme un moteur, une mise en action
tel une flamme témoin qui veille
lorsque les combustibles surgissent
serons-nous prêts à accepter l’imprévisible ?
— Fabien Piché
Mot de Patrice Charbonneau-Brunelle
On m’appelait unisexe
Je n’ai jamais aimé les vestiaires. Il m’a toujours paru excessivement cruel d’exiger que je m’y dévêtisse devant les autres.
J’y deviens concave. J’y deviens un mollusque décarapacé.
Je n’ai jamais aimé courir. Gagner la course m’importe peu. Je l’ai simplement finie trop souvent dernier sous le rire, les cris et les insultes.
Cible à découvert, victime facile.
Je n’ai jamais aimé les urinoirs. Les conventions y sont ambiguës, brouillées entre dévoilement et intimité. Certains parlent, certains disparaissent.
Orgueil, désir, répulsion, gêne.
J’ai longtemps préféré faire pipi assis.
L’invitation à redécouvrir ces lieux à travers une vitrine est pour moi l’opportunité d’exorciser les traces habitant encore mes gestes, ou du moins, de les partager.
De l’élan vers l’autre au ressac sur moi-même, ces mouvements sisyphéens m’immobilisent toujours.
— Patrice Charbonneau-Brunelle
Théâtre Kata
Théâtre Kata tente de rendre compte de la fragilité de l’humain à travers une dichotomie du corps et de la pensée. Dans un monde post-factuel, il estime que le geste est vecteur d’une plus grande vérité que les mots. Le rythme infernal et la surabondance d’images témoignent de son goût pour l’excès. Il tente par le biais de processus créatifs intransigeants de remettre en question nos certitudes par l’autodérision. Théâtre Kata est conjointement dirigé par Olivier Arteau et Lucie M. Constantineau.
Remerciements et soutien
Les créateurs remercient l’immense soutien du CTD’A, la kinésiologue Claudia Labrosse, la nutritionniste Isabelle Morin et Philippe Lessard Drolet pour son conseil pour le dispositif lumineux.
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Équipe de création
Kinésiologie
Nutrition
Direction de production
Corps titan (titre de survie)
Audrey Talbot
Salle Michelle-Rossignol
19 avril au 8 mai 2021
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