Saganash
Jean-François Caron
Une coproduction du Théâtre du Binôme (Paris) et du Théâtre d’Aujourd’hui
Salle principale
20 janvier au 16 février 1995
Texte
Mise en scène
Étrange quête que l’enquête commandée par Manuel au détective privé Jeff Bonenfant. Ce dernier serait en Inde sur les traces de Garou, dont le frère Manuel a reçu plusieurs lettres. Au même moment, à Chisasibi, dans le Grand Nord, Garou cherche l’Indien Saganash et la paix, avec Sullivan, une Française échouée là après avoir fait le tour du monde.
Interprétation
Mot de l’auteur
Le seul véritable bonheur de l’écrivain, c’est peut-être de pouvoir renaitre de ses « encres ». Tout ce que l’on fait subir, de petites et de grandes morts, dans l’âme de l’homme, finit par trouver son chemin dans celle de l’écrivain et, là où l’homme meurt, l’écrivain s’empare du flambeau.
Je suis né à l’ombre du Sud.
Non, au soleil du Nord. Sur un continent autochtone. une terre d’accueil, oui. J’ai eu des amis, il y a quelques lunes, c’étaient des Cris. Ou des Montagnais. Sous la lune de l’enfance et sur cette pierre que nous balayions du pied, nous projetions de bâtir notre maison. Comme tous les meilleurs amis du monde, nous nous sommes perdus de vue. La neige a neigé et nous sommes disparus, chacun sa culture. une lune, nouvelle lune, impromptue comme un faisceau d’hélicoptère, nous enveloppe à nouveau, aujourd’hui, partenaires ou adversaires d’un énième acte de la pièce la plus inachevée du monde.
Avons-nous grandi depuis ?
Avons-nous perdu toute la lumière de rêve qui jadis animait le noir de notre oeil, les soirs ensorcelés où le feu brulait l’herbe sur la voie ferrée ? Avons-nous su retenir la lumière ? Avons-nous su tenir à notre rêve ? Ou sommes-nous en train de tout détruire, comme si on ne pouvait faire que du cauchemar avec du rêve ?
Nos « libres penseurs » vont voir Octobre, de Falardeau, comme on mange un mets très exotique, pour éructer, à la sortie, du bout des lèvres, qu’il en faut un « comme lui ». Moi, je dis : il faut réapprendre à « libre penser ». Il en faudra, des Falardeau. De tous les âges, de tous les milieux. Il en faudra, des loupes, des stéthoscopes, des caméras. Des pelles et des scalpels. Vu l’embrouillamini, il en faudra du fouillage, du grattage et du creusage : de la mise en lumière et de la mise à nu. Des textes, en vers, en prose. Il faudra du désarmement. et de l’humilité. De tous les côtés. Il faudra prendre de vrais risques. Il faut cesser de calculer.
À l’instar de Danny, dans J’écrirai bientôt une pièce sur les nègres…, de Régine, dans Le scalpel du diable, de Jeannot, dans Aux hommes de bonne volonté, et de Garou, dans Saganash, je crois qu’il est devenu vital de faire entendre la musique de sa bouche.
Bienvenue dans la réalité.
Jean-François Caron
Mot du metteur en scène
Disparaitre.
Tout planter là : travail, famille, patrie, sans un mot ni adresse, sans adieu, et partir.
Partir pour en finir ou pour recommencer ? N’importe, et n’importe où, pourvu que ce soit loin. Voilà un acte à portée de main, à portée de tous, mais que peu ont le courage de saisir, quand bien même l’intolérable serait devenu notre pain quotidien.
Garou, lui, a disparu.
Et disparaissant, il brandit un implacable miroir à ceux qui restent, bien obligés d’y reconnaitre leur propre disparition « sur place » : Manuel dans le travail, Jeff et Virginie dans la chasse aux absents, Sullivan dans les causes humanitaires, Cheyenne dans l’apocalypse, les Indiens dans leurs réserves, le Québec dans la peur du changement et l’Occident dans le désenchantement.
Garou a disparu parce qu’il habite un pays qui n’arrive pas à apparaitre, presque-pays peuplé de presque-nés en exil sur leur propre terre.
Fuyant le monde, Garou pousse le monde à se remettre en branle. D’Asie en Amérique, d’aveux en questionnements, il faudra réapprendre le mouvement, le sens du passage, la force du risque et l’esprit de la Quête.
Jean-François Caron aime le théâtre, ça se sent et ça s’entend. Aussi n’hésite-t-il pas à lui faire avaler la planète entière, et le Québec en particulier, dans un joyeux bordel (aussi joyeux qu’on puisse l’être encore à trente ans), quitte à bousculer le théâtre hors de ses ornières et lui réclamer l’impossible. Dans ce pays qui fuit les rêves et les problèmes, qui troque l’utopie pour le confort et le changement pour la tranquillité, Caron écrit un théâtre singulier singulièrement actuel (et donc intempestif!), un théâtre à rêver hautement problématique, au sens positif du terme : un lieu de questionnement et d’invention, où esthétique et politique restent indissociablement liées.
Il est rassurant (ça me rassure) de constater que, de ce côté-ci de l’océan au moins, le théâtre a parfois su préserver ce qu’il a depuis longtemps perdu en France, son pouvoir critique, c’est-à-dire (dixit Caron): celui qui veut voir apparaitre. Si seulement on pouvait en prendre un peu de la graine…
François Rancillac
Actualités
Livres
14 juillet 2016
Saganash
Jean-François Caron
Lansman
Équipe de création
Assistance à la mise en scène et régie
Scénographie
Costumes
Éclairages
Vidéo
Accessoires
Maquillages et coiffures
Perruque
Les muses orphelines
Michel Marc Bouchard
Salle principale
14 octobre 1994 au 3 mai 1997
Johnny, Carlotta et Kiki
Michel Tremblay
Salle principale
18 octobre au 25 novembre 1994
Appelle-moi
Elizabeth Bourget
Salle principale
24 mars au 20 avril 1995
César et Drana
Isabelle Doré
Salle Jean-Claude-Germain
14 avril au 11 mai 1995
Abonnement
Saison 2024 – 2025
Abonnez-vous au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui pour ne rien manquer de la création théâtrale d’ici dans le seul lieu à lui être exclusivement dédié ! Choisissez 3 spectacles ou plus et profiter de rabais progressif sur le prix de vos billets, en plus d’une foule de privilèges exclusifs.