Votre fille Peuplesse par inadvertance

Embusqués dans le monde placide de la villégiature et du camp d’été, Breton et Cossette, deux clounes tristes en balieu de la vie — faux jetons par nature et voisins par accident — chassent le temps qui passe en peinturlurant leurs chalets aux couleurs bariolées de leurs phantame. De planches en planches, de ptites bières en ptites bières et de masques en masques, l’histrion et l’ex-police se griment, se travestissent et s’accouplent au gré de leur ennui sous l’oeil vindicatif et traumaticé d’une demeurée par inadvertance, Peuplesse de son prénom et fille-à-Cossette pour son infortune. 

Psychodrame du dénuement et de la détresse, l’action de Votre fille peuplesse par inadvertance se termine par une fête à l’image de l’indigence de ses acteurs — en l’occurence un paty d’Halloween où, dans la meilleure tradition des jeux de la vérité et de la culpabilité, tout se dénoue par un viol, un meutre et une libération… qui pour être réelle n’en demeure pas moins lourdement hypothéquée par la pauvreté d’un passé sans avenir.

Après En attendant Trudot, Ma Corriveau et Y a pas dLacasses heureux, Victor-Lévy Beaulieu (tout à la fois romancier, pamphlétaire, essayiste et éditeur) poursuit avec Votre fille peuplesse par inadvertance le volet théâtral d’une oeuvre gigantesque et protéiforme qui tout comme le Capitaine Ahab de Melville, arpente furieusement sous la protection dérisoire de son saint patron, Jean-de-Dieu, les ponts et multiples entreponts de la nef des fous. Planté debout au coeur du rêve québécois avec son cheval fétiche comme seul compagnon, Victor Lévy-Beaulieu pose inlassablement la même question : Est ce le bateaou ou la mer qui bouge ? 

« Une intéressante entreprise dramaturgique pour emprunter la voie délicate d’un théâtre de la folie. »
Adrien Gruslin, Le Devoir