Nassara
Carole Fréchette
Une création du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en coproduction avec le Théâtre des Récréâtrales (Ouagadougou)
Salle Michelle-Rossignol
7 au 25 septembre 2021
1 h 20 sans entracte
Texte
Ouagadougou, Burkina Faso. Marie-Odile est venue de Montréal pour participer à un colloque international sur l’agriculture urbaine. Assise parmi une dizaine d’intervenantes et d’invervenants africains et européens, elle n’arrive pas à rassembler ses idées, bouleversée par un incident étrange survenu la veille et qui a réveillé en elle des douleurs enfouies. Son tour de parole venu, alors qu’elle s’apprête à laisser éclater son trouble, la porte de la salle s’ouvre brusquement et tout bascule.
Le mot nassara signifie le Blanc, la Blanche en moré. L’autrice Carole Fréchette a rapporté de son séjour à Ouagadougou l’émotion particulière provoquée par les enfants qui scandaient ce mot sur son passage. Ces cris joyeux et les contacts furtifs ont été la source de sa pièce, qui s’est développée ensuite par des chemins inattendus. Coproduit par le Théâtre des Récréâtrales de Ouagadougou et mis en scène avec finesse par Sophie Cadieux, ce récit haletant entremêle peines intimes et violence du monde.
Interprétation
Mot de l’autrice
Pure fiction et extrême subjectivité
Le mot « nassara » désigne le Blanc, la Blanche, en moré, la langue principale parlée au Burkina Faso. Quand on est une femme blanche et qu’on se promène dans les rues de Ouagadougou, il arrive souvent que des enfants scandent « nas-sa-ra ! nas-sa-ra ! » en nous voyant passer, puis courent vers nous pour nous serrer la main. Cela m’est arrivé plusieurs fois lorsque je suis allée là-bas, en 2014. Je ne sais trop pourquoi, ces contacts furtifs et ce mot répété par les petites voix claires et joyeuses m’ont émue au plus haut point. Ils sont la toute première source de cette pièce, qui a pris forme ensuite par couches successives.
D’abord a surgi l’image d’une femme, Marie-Odile, venue de Montréal assister à une réunion à Ouagadougou. Sept ou huit personnes assises en cercle. Des Européens et des Africains. Un colloque international sur l’agriculture urbaine. Tout de suite, j’ai imaginé cette femme seule sur le plateau. C’est elle qui fait exister pour nous, à travers le fil de ses pensées, les autres participants. De gauche à droite, chacun doit se présenter et donner son avis sur le thème de l’atelier. Il n’y a plus que trois personnes avant le tour de parole de Marie-Odile. Elle essaie d’écouter mais elle n’arrive pas à se concentrer, obsédée par le souvenir des enfants qui l’ont entourée dans la rue, la veille, obsédée par les « nas-sa-ra ! nas-sa-ra ! » qui résonnent dans sa tête et réveillent en elle des douleurs enfouies.
J’allais bon train, me dirigeant vers l’explosion du drame intime de Marie-Odile au moment où elle prendrait la parole et pendant que je construisais patiemment ce tour de table, un autre personnage rôdait autour de moi, un jeune homme fébrile et menaçant que je tentais de repousser. Je lui disais : tu n’as rien à faire dans cette histoire, je ne suis pas cette sorte d’auteur qui met en scène des garçons comme toi, je n’ai pas ce cran, je n’ai pas cette rage. Mais il insistait et revenait sans cesse. Alors j’ai fini par le laisser entrer dans la salle, entrer dans ma pièce. Plus tard, une troisième voix s’est imposée et le soliloque de départ est finalement devenu trio. Trio pour deux femmes et un homme, avec un chœur invisible.
Nassara contient ce qui bouillonnait en moi à mon retour du Burkina etqui est toujours là aujourd’hui : les rires des enfants, leurs mains douces, leur beauté qui est l’avenir du monde, le malaise des réunions internationales où chacun joue son rôle dans ce théâtre bien intentionné, l’impatience de la jeunesse, la révolte brute qui n’a pas de nom, ma propre colère qui ne lève jamais le poing, les mains des hommes que j’aime tant, mes peines enfouies, tassées au fil des ans, mes larmes qui ne coulent plus comme avant, le sentiment d’impuissance devant la folie meurtrière qui surgit sur tous les continents et puis l’incommensurable difficulté de faire vivre sur une scène au moins une parcelle de tout cela sans que ça tourne au discours ou aux bons sentiments.
Je me suis dit souvent, ces dernières années, que la meilleure façon d’aborder, au théâtre, les tourments du monde était sans doute d’aller vers la distance documentaire : aligner les faits, aller à la rencontre des gens, les écouter, les filmer, donner des statistiques, laisser parler le réel, qui, dans ses aspects les plus horribles, est cent fois plus puissant que n’importe quel drame inventé. Et voilà qu’avec Nassara, j’ai fait exactement le contraire : pure fiction et extrême subjectivité, en espérant trouver dans cette plongée vertigineuse une autre forme de vérité.
— Carole Fréchette
Mot de la metteuse en scène
Décomposée / Recomposée
Il y a de ces lectures qui sont des chocs, qui nous traversent de bord en bord et qui bousculent notre notion du temps.
Je me suis assise un après-midi il y a déjà quelques saisons pour lire Nassara. Et quelque chose s’est passé, un moment d’humanité. Pas de bons ni de méchants, pas de morale. Un instant qui se dilate pour en créer mille possibles.
Voilà bientôt deux ans que nous travaillons à voir naître le spectacle de Nassara et toujours cette lecture m’habite. C’est bien humblement qu’en tant qu’équipe nous allions nos énergies à créer ce maelström. Un suspense où trois voix, trois vies se lient pour raconter. Ses voix s’embrassent, se désaccordent, se complètent. Elles nuancent le récit sans relâche, changeant le point de vue, la perspective. Nassara est une histoire décomposée qui se recompose devant nos yeux. Les actrices et l’acteur portent les mots ou sont porté·e·s par eux, on ne saurait trop dire. La puissance évocatrice de l’écriture de Carole Fréchette est le fil qui lie ceux qui racontent à ceux qui regardent.
Vous faites partie de l’équation, cher public. On vous espère.
— Sophie Cadieux
Théâtre des Récréâtrales
Le Théâtre des Récréâtrales, théâtre en famille, est un lieu permanent de création, de formation et de diffusion théâtrales à l’usage des artistes burkinabè et internationaux mais également des habitants du quartier. L’ouverture du Théâtre des Récréâtrales répond à quatre objectifs :
- diversifier et décentraliser les lieux de création et de diffusion théâtrales à Ouagadougou et au Burkina Faso
- renforcer la porosité du projet des Récréâtrales avec le quartier en associant ses habitants au processus artistique du projet
- structurer l’accompagnement de la création littéraire et des auteurs au Burkina Faso
- constituer un répertoire théâtral identifié du grand public et des professionnels, véritable identité artistique du lieu
Vidéos
17 janvier 2022
Nassara : bande-annonce
Images
6 septembre 2021
Les photos du spectacle
Médias
2 septembre 2021
La pièce Nassara : Carole Fréchette, Marie-Thérèse Fortin et Stephie Mazunya
Pénélope, Ici Première
Équipe de création
Scénographie
Lumière
Musique
Vidéo
Maquillages et coiffures
Intégration vidéo
Intégration sonore
Direction de production
Direction technique
Seeker
Marie-Claude Verdier
Salle Jean-Claude-Germain
14 septembre 2021 au 25 novembre 2023
i/O
Dominique Leclerc
Salle Michelle-Rossignol
16 novembre au 4 décembre 2021
Pas perdus | documentaires scéniques
Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier
Salle Michelle-Rossignol
8 mars au 2 avril 2022
Ceux qui se sont évaporés
Rébecca Déraspe
Salle Michelle-Rossignol
14 avril au 7 mai 2022
Akuteu
Soleil Launière
Salle Jean-Claude-Germain
21 avril au 7 mai 2022
Émilie tient salon
Émilie Monnet
Salle Jean-Claude-Germain
2 au 4 juin 2022
Abonnement
Saison 2024 – 2025
Abonnez-vous au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui pour ne rien manquer de la création théâtrale d’ici dans le seul lieu à lui être exclusivement dédié ! Choisissez 3 spectacles ou plus et profiter de rabais progressif sur le prix de vos billets, en plus d’une foule de privilèges exclusifs.