(e)
Dany Boudreault
Une création de La Messe Basse, en résidence à la salle Jean-Claude-Germain
Salle Jean-Claude-Germain
7 au 25 mai 2013
1 h 20 sans entracte
Texte, mise en scène et interprétation
Voici l’odyssé(e) poétique d’un être dont les seins diminuent de plus en plus et qui recherche pour le reste de sa vie le même étranger roux. Le récit d’une métamorphose intime provoquée par une fourchette plantée entre les seins, de l’insidieuse dictature du regard de l’autre, de la tyrannie sexuelle. Un cha-cha-cha métaphysique entre le corps rêvé et le corps donné. Une fatale introspection dans les champs de blé d’Inde. Voici une vie menée par escales, depuis une allée de quilles jusqu’à un CHSLD. Là où les mères regardent toutes en boucle Les machos à la télévision. Là où toutes les Marie-Chose de ce monde conduisent des voitures rouges.
Voici une procession syncopée qui rappelle cette musique ancestrale qui nous dicte les bons temps. Si au final nos gestes ne sont qu’emprunts, est-ce que tous ces gestes ne parviendraient pas, malgré nous, à conditionner notre aspect physique ? En gros, une épopé(e) grinçante et mystique sur les airs de Nana Mouskouri.
Texte, mise en scène et interprétation
Interprétation
Extraits de critiques
« Le grand tour de force de l’auteur réside dans le développement d’une parole où cohabitent de manière fort cohérente ces références à la culture populaire … et des emprunts formels et textuels aux tragédies grecques et classiques, le tout servi dans une langue à la fois robuste et ciselée qui m’a par moments fait penser à l’écriture d’Hervé Bouchard. Une plume affûtée et parfois bouleversante. »
Alexandre Cadieux, Le Devoir
« (e) est un texte poétique qui fait penser parfois au langage de Claude Gauvreau. »
Luc Boulanger, La Presse
« On ne peut que saluer l’aisance corporelle de Robin-Joël Cool, Marie-Pier Labrecque et Dany Boudeault, qui réussissent à être extrêmement sensuels et sobres, provocants et fragiles tout à la fois. »
Camille Plourde-Lescelleur, Pieuvre.ca
« Résolument inventive et drôle, détournant les répliques des films cultes, la pièce manifeste en outre son tribut aux grandes tragédies grecques. »
Martin Hervé, ArtichautMag
« Un texte très bien ficelé et juste assez ludique. »
Pascale St-Onge, MonTheatre.qc.ca
« Ce spectacle est une expérience cathartique, mettant en question l’identité, les genres, le sexe… Cette intensité n’oublie cependant pas l’humour, qui est présent, comme une musique de fond, tout au long de la pièce. »
Benjamin J. Allard, 4mtl.com
« Le tout donne une impression de construction au fur et à mesure, ce qui semble extrêmement pertinent pour porter cette histoire de genres mouvants. »
Philippe Dumaine, Les méconnus
POURQUOI ÉCRIRE (E)?
Je me suis trompé. Je voulais écrire un recueil de poésie. L’écriture de (e) est un long dérapage salutaire. Un carambolage de gens qui m’incitent à aller plus loin et à persévérer dans l’inconscient.
(e)… (longue hésitation)? À défaut de justifier mon titre, je vous parlerai de ce moment où, pubescent, j’ai compris ma génétique et ma délicate stature. Je vous parlerai de ce moment où j’ai abdiqué à vouloir correspondre à ce modèle de force masculine qui régnait dans mon village : corps lanceurs de pierres, cuisses de coursiers rivalisant avec les pick up et les motos 150cc, poings à assommer les vaches malades, épaules à tirer les trailers pris dans le fumier, mains cornées par la corde à vache, corps qui ne secoue plus sous le choc de la broche électrique, même par grande pluie.
Les Boudreault sont forts, et je n’étais pas fort. Intrigué, je regardais les mains ravagées de mon père comme une énigme. Alors j’ai ramassé les roches au printemps remontées par le dégel en quatre-roues pour développer mon cuir, et je me suis mis à sauter en bas de l’armature rouillée du pont de train avec les autres gamins pour prouver que j’avais quelque courage, vertu propre aux hommes forts. C’était l’initiation au village. On sautait avec des espadrilles pour ne pas s’ouvrir la peau des pieds du plus haut du pont de train et on sautait quand on nous disait que la voie était libre et qu’il n’y avait pas de sea-doo en vue. Ça nous garantissait de ne pas nous faire battre tous les matins en attendant l’autobus. J’ai sauté, sans larmes, avec sang-froid.
Malgré tout, quelque chose en moi résistait. Alors, j’en suis presque venu à la conclusion que je n’étais peut-être pas tout à fait un homme. Et je me suis même mis à me voir autrement. J’observais ma sœur, qui elle, se faisait traiter de garçon manqué, et son étrange catégorie me rassurait, jusqu’à créer la possibilité en moi d’une nouvelle posture. Pendant un moment, je me souviens clairement m’être identifié à ma sœur qu’on disait ressembler à un garçon. Plusieurs mises en abymes, donc. Je reproduisais tout de ma sœur : ses mouvements, ses œillades, ses élans de rage, son phrasé. Bon… ce n’était pas gagné à l’école. Pour survivre, littéralement survivre, je me souviens très bien m’être déclaré à haute voix et avec un grand pragmatisme : je vais apprendre beaucoup beaucoup beaucoup de mots. Je saurai toujours quoi répondre en toute situation. Je ne serai jamais désarmé. Je pourrai démonter quiconque, bastonner les assaillants, voire même les abattre. Je me suis vraiment dit : je vais tuer avec les mots. Et c’est ce que j’ai fait. Je suis devenu venimeux, on se mit à me craindre. J’en retirai un plaisir immense. Je ne m’apercevais pas que je devenais, oui, un orfèvre des mots pierreux et un agitateur habile du verbe (du moins dans ces conditions-là), mais aussi un être emmuré par les mots qui l’ont si bien défendu. Il faudra l’École nationale de théâtre, la psychanalyse et l’amour pour me faire resurgir en plein air, sans blindage, déboulonné des mots, juste accompagné par eux, sans en forcer le sens. Ça, c’est une autre histoire. Ce qui nous intéresse, c’est (e). La langue dans (e) est cette langue de résistance. Une langue qui cherche à s’élever par tous les moyens, quitte à flirter avec la banalité. Elle cherche à s’élever comme son personnage principal qui ignore comment être un homme, mais qui y parvient tout de même, à travers l’amour inconditionnel. La langue dans (e) est indissociable du personnage principal ; elle est le principal instrument de survie.
Je lisais un pré-papier d’Alexandre Vigneault la saison dernière, et je suis tombé sur une savante citation de la professeure de sociologie Madeleine Pastinelli qui a résonné très fort en moi. « L’identité est contextuelle, elle varie selon les interactions ». Même si cette citation parlait de tout autre chose, notamment du subversif et fascinant iShow, je ne saurais mieux dire en parlant de l’identité sexuelle du personnage principal, innommé, de (e). Au fil de ses rencontres, et en carence absolue de modèles, son identité s’adapte, par désir certes, mais trop souvent par survie. Dans (e), la Mère dit que « les hommes sont des concessionnaires ou des gynécologues ». Quand le téléroman Les achos devient la référence de ce qu’est « être un homme », c’est peut-être parce que rien ne va plus…
Dany Boudreault
Mot du metteur en scène
C’est entre la fièvre et l’exaltation que (e) voit aujourd’hui le jour. L’aventure est singulière, une série d’heureux accidents. Une combinaison de hasards qui s’apparentent à un destin. Il y avait un recueil. Ce n’en était pas un. Du moins, pas tout à fait. Pas exactement. Dans ce projet, c’est presque devenu un adage : « n’être pas tout à fait », ou être au complet, mais dans un entredeux sublimé.
« La possibilité de vivre commence dans le regard de l’autre. » a écrit Michel Houellebecq dans Les particules élémentaires. Un livre que je déteste affectionner, parce qu’il me plonge avec adresse dans la désespérance. J’ai plus de foi en l’Autre que Houellebecq. Je maintiens que cet Autre nous révèle pour le mieux. Oui, tout est question de regard. Même quand il s’agit de renverser comme un manteau ses propres yeux et de les river vers soi. Ce regard restera assurément empreint (ou sale?) de mille impressions, de mille autres regards ricochés sur d’autres regards, comme deux miroirs qui se font face et créent un point de fuite qui nous aspire. Dans (e), tout est affaire de regard. Et de dévoilement de ce regard. Peut-on vraiment se dévoiler du regard de l’autre ? Ou en restons-nous habillé à jamais ?
Ce projet n’aurait jamais « pris chair » sans la participation entière et totale de Robin-Joël Cool et Marie-Pier Labrecque. Ces deux acteurs ont pris à bras-le-corps ces mots pour les élever, les comprendre, les interroger, les secouer, se les approprier. Leur intelligence sensible m’a forcé à puiser plus avant dans l’inconscient et à fournir des réponses à la mesure de leur talent. Je souhaite à tous les créateurs d’avoir à leur disposition pareil abandon de leurs complices. Pour moi, le théâtre prend tout, oui, à la manière de la famille ; il offre ce refuge qui se renouvèle chaque fois. Vous me rappelez à chaque jour cet agréable constat. Ce projet, je vous le dois, en grande partie.
En votre précieux nom, et en mon propre nom, j’offre ce spectacle à la belle petite multitude de Jean-Claude-Germain,
Bon spectacle !
Dany Boudreault
La Messe Basse
Une « messe basse » est un aparté entre deux personnes, une entreprise que l’on prépare en secret, un certain retrait du monde. La « messe » est aussi une cérémonie où la communauté est conviée. La messe « basse » ramène à l’univers souterrain, à ce qui nous échappe.
Fondée en février 2012 par Jérémie Boucher, Dany Boudreault et Maxime Carbonneau, La Messe Basse est dédiée expressément à la création et à l’exploration d’écritures et de matériaux inédits au théâtre. Son modèle de codirection artistique permet de faire mûrir la parole artistique à travers un inconscient à plusieurs têtes et d’établir un rapport horizontal entre ses membres.
La Messe Basse désire repenser la pratique théâtrale et s’intéresse spécialement aux distorsions du langage, c’est-à-dire aux décalages, aux écarts, sur le plan textuel et esthétique. Cette compagnie est née de l’urgence de poser un regard neuf et singulier sur notre monde en mutation.
THÉÂTROGRAPHIE
- Les murailles, présenté au Théâtre Périscope, (2019)
- La femme la plus dangereuse du Québec, présenté à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, (2017)
- Siri, créé au Festival Transamériques, et présenté en reprise au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, (2016, 2017)
- Descendance (publié chez Instant scène, présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui / Gagnant aux prix littéraires du Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean), (2014)
- (e), un genre d’épopée (publié aux Herbes Rouges, présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en 2013 / Prix meilleur acteur Cartes Prem1eres), (2013)
Vidéos
14 juillet 2016
Préliminaire #3 – 4
Vidéos
14 juillet 2016
Bande-annonce : (e)
Vidéos
14 juillet 2016
Préliminaire #1 – 2
Images
6 mai 2013
Le spectacle (e) en photos !
Équipe de création
Conseil à la dramaturgie
Assistance à la mise en scène et régie
Conception visuelle
Éclairages
Conception sonore
Conseil au mouvement
Direction de production
Le mécanicien
de Guillaume Corbeil
Salle Jean-Claude-Germain
11 au 29 septembre 2012
Robin et Marion
d’Étienne Lepage
Salle principale
18 septembre au 13 octobre 2012
Isabelle
de Fabien Dupuis
Salle Jean-Claude-Germain
16 octobre au 3 novembre 2012
Tout ce qui tombe
de Véronique Côté
Salle principale
30 octobre au 17 novembre 2012
Clotaire Rapaille, l’opéra rock
d’un collectif d’auteurs
Salle principale
20 au 21 décembre 2012
Le nid vide
de Lise Gionet, Louis-Dominique Lavigne et Monique Rioux
Salle Jean-Claude-Germain
27 au 30 décembre 2012
Les trois exils de Christian E.
d’un collectif d’auteurs
Salle principale
15 janvier au 2 février 2013
Sorel-Tracy
d’Emmanuel Reichenbach
Salle Jean-Claude-Germain
12 février au 2 mars 2013
Furieux et désespérés
d’Olivier Kemeid
Salle principale
19 février au 16 mars 2013
Gars
de Marie-Ève Perron
Salle Jean-Claude-Germain
19 mars au 6 avril 2013
Yukonstyle
de Sarah Berthiaume
Salle principale
9 avril au 4 mai 2013
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