Judy
Gabrielle Lessard
Une création du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et du Théâtre P.A.F.
Salle Michelle-Rossignol
29 janvier au 17 février 2024
1 h 45 sans entracte
Six personnages aux prises avec les défis du monde contemporain voient leurs certitudes s’effriter au contact de l’œuvre révolutionnaire de l’artiste visuelle Judy Chicago. Alors qu’ils sont confrontés à des conflits intérieurs et des interrogations sur leur place dans la société, cette figure marquante de l’art et du féminisme devient le catalyseur de leur métamorphose, les poussant à remettre en question leur propre identité et leurs convictions profondément enracinées.
L’autrice et metteuse en scène Gabrielle Lessard offre une réflexion profonde sur la liberté artistique, l’identité personnelle et la résistance face aux forces antagonistes de la notre société. Honorant les combats incessants d’une artiste qui a tracé la voie pour les générations futures, Judy souligne l’importance de l’art en tant que force de changement et célèbre la capacité de l’individu à se réinventer et à défier les normes sociales établies.
Interprétation
Mot de l’autrice
Je n’ai aucun souvenir du moment où j’ai décidé, il y a trois ans, de me procurer les autobiographies de Judy Chicago. Elles ont atterries dans ma boîte aux lettres un bon matin. J’avais dû les commander ! Quelques jours plus tôt, j’étais tombée sur une photo de ses Smoke bodies dans une revue dédiée à l’art. Mon cœur avait légèrement accéléré. Je suis devenue subitement impatiente. C’est tout ce dont je me souviens : une intuition. Le reste n’est qu’impulsions. Et grands bouleversements.
Un autre souvenir clair. Je suis dans la salle d’attente de l’hôpital Sacré-Cœur pour un suivi post-opératoire. On m’a récemment retiré, juste à temps et sans complications, un mélanome malin du pied. Je suis en attente pour qu’on change mes pansements. Je ne vais pas mourir. Pas maintenant en tout cas. Mais je ne ressens aucune sorte de renaissance ou d’illumination comme on nous le décrit dans les films et les récits de ceux qui réalisent subitement que la vie est fragile et qu’ils ne faisaient finalement que l’effleurer. Moi, cette sensation m’habite déjà depuis quelques années. Elle s’insinue en moi, me fait rester couchée le matin à assister de sous les draps aux démarrages répétés du quotidien : l’amoureux gentil qui fait déjeuner l’enfant en pleine santé, les bruits de la routine et des êtres qui se remettent en marche. Moi j’étouffe. Je me cache sous les draps et pense à toutes ces heures vierges devant moi. Je les trouve menaçantes, je ne sais pas comment les saisir. Je me répète que j’ai tout ce qu’il faut pour être heureuse, et au lieu de m’apaiser, ça me fait suffoquer.
Donc je suis morte-vivante, et même cette possibilité (évitée) de ma propre mort ne suffit pas à remettre en mouvement les grandes pulsions qui m’ont menée à l’art, au rêve, à l’amour et à la création. Et ce matin de suivi, dans la salle d’attente d’un hôpital gris, il y a plus de deux heures de retard sur les rendez-vous. Je plonge ma main dans mon sac et attrape la première autobiographie. Je commence à lire, et le choc tant attendu, douloureux mais fulgurant, se produit. Je rencontre Judy. Ses luttes, ses contradictions, son combat encore actif aujourd’hui pour que son art, c’est à‑dire son identité, car le processus créatif est pour elle identificatoire, soit reconnu et validé pour ce qu’il est, ainsi que sa parole féministe.
Moi qui me croyais progressiste, féministe et éveillée, je réalise au contact de cette militante de la deuxième vague du féminisme que je suis la réincarnation de ce qui me terrifie dans ma conception d’une femme des années cinquante. Non pas que je dénigre le choix d’être au foyer, de construire son identité sur des valeurs sociales établies, mais il me semble que je n’ai jamais consciemment acquiescé à cette identité. Elle s’est subtilement imposée. Je me suis vue soudainement pour ce que j’étais, écartelée, découpée en plusieurs parties de moi, toutes rangées dans de petites boîtes d’entreposage. Un entreposage cinq étoiles, mais un entrepôt quand même.
Et la magie Judy se poursuit. Au retour d’une pandémie, qui s’est avérée être pour moi la prolongation obligée d’une déjà bien longue et périlleuse acclimatation à la maternité, le téléphone sonne. C’est Sylvain Bélanger qui me demande ce sur quoi je travaille en ce moment. Je lui parle de Judy. Tiens ! C’est justement l’artiste préférée de Michelle Rossignol, récemment décédée, dont l’argent légué servira à soutenir de jeunes créateurices à trouver et déployer leurs voix. Il m’offre la première résidence d’écriture d’un mois associée à cette bourse. Ces trente jours de solitude m’ont permis de plonger dans des lectures féministes.
Comme Judy se nourrissait et entretenait la grande toile d’une histoire alternative, parallèle et oblitérée de celle avec un grand « H », j’ai élargi ma compréhension d’une pensée qui va bien au-delà de la simple dualité genrée de deux parts de l’humanité. J’ai reconnu dans ce désir d’universalité et d’amour la porte d’entrée au vrai changement, celui qui fait mal, qui demande de mourir un peu, qui laisse des traces et qui n’est jamais acquis. Ma vie a explosé. C’est la grande force de l’artiste : toujours remettre sur le métier ces forces vives de l’humanité, le beau comme le moins beau. Et s’accrocher, dans l’inconfort et l’adversité, dans la recherche perdue d’avance de consensus, dans le réagencement constant du réel pour court-circuiter les engrenages persistants d’un réel mis au service d’un système capitaliste qui exploite, domine et siphonne le vivant.
Du haut de ses 84 ans, c’est ce que Judy choisit de faire tous les matins. Parce que créer, pour elle comme pour moi, c’est s’accrocher à l’amour de l’humanité, et qu’elle m’a donné le courage de me relancer dans l’écriture, l’imagination et la réinvention du vivant en suivant mes propres pulsions et en me méfiant des cases.
— Gabrielle Lessard
Théâtre P.A.F.
P.A.F. pour :
- Politique : Un théâtre documenté où le texte, en phase avec l’actualité et les enjeux qui en découlent, pose les bases de la création.
- Artistique : Des propositions originales s’éloignant du didactisme. Nous élaborons des univers poétiques en impliquant les concepteurs dans le processus créatif.
- Festif : Décloisonner la pensée en offrant aux publics enfant, adolescent et adulte des lieux de rassemblement où s’interroger librement et s’exprimer publiquement est une richesse à célébrer.
Remerciements et soutien
Les producteurs remercient Jeanne Dupré, Alain Jenkins, Estelle Lessard, Marc-Olivier Novak et Bouguette le chat.
L’autrice remercie la Galerie G de BR, Sylvain Bélanger, Geneviève Boivin-Roussy, Marcelle Dubois, Geoffrey Gaquère, Gabriel Lessard et Wendy Kim Pires.
Vidéos
7 février 2024
Bande-annonce
Images
30 janvier 2024
Les photos du spectacle
Équipe de création
Dramaturgie
Scénographie
Lumière
Costumes
Accessoires
Maquillages et coiffures
Sonorisation
Régie générale
Régie son en alternance
Chef machiniste
Eric-William Quinn
Cheffe lumière
Judith Rémillard
Cheffes son
Gabrielle Couillard et Chloé Rivest
Chef vidéo
Vladimir Cara
Équipe technique
Lou Arbour, Alexis Aubé, Philémon Beaulieu, Philippe Bélanger, Kevin Clément, Charles Desjardins, Fred Dessoly, Nicolas Dupuis, Anaé Lajoie Racine, Victor Papineau-Holdrinet, Hugo Pires, Jules Roy-Sicotte et Alexy Trottier
Construction des décors
Atelier Morel Leroux
Coupe et confection des costumes
Fany McCrae et Erika Parra Bernal
Patine des costumes
Chloé Giroux-Bertrand et Mélanie Turcotte
La traversée du siècle
À partir de l’œuvre de Michel Tremblay
Salle Michelle-Rossignol
26 août 2023
Les mutant·es
Sylvain Bélanger et Sophie Cadieux
Salle Michelle-Rossignol
18 septembre au 14 octobre 2023
Équinoxe
Hugo Fréjabise
Salle Jean-Claude-Germain
25 septembre au 14 octobre 2023
Seeker
Marie-Claude Verdier
Salle Jean-Claude-Germain
30 octobre au 29 novembre 2023
Nzinga
Alexis Diamond, Marie Louise Bibish Mumbu et Tatiana Zinga Botao
Salle Michelle-Rossignol
6 au 25 novembre 2023
Micro amour
Philémon Cimon
Hall
2 décembre 2023
Aujourd’hui ce soir
Alix Dufresne
Salle Michelle-Rossignol
12 au 16 décembre 2023
Papeça
Micha Raoutenfeld
Salle Jean-Claude-Germain
22 janvier au 10 février 2024
Ici pour jouer
Sarah Laurendeau
Hall
29 février 2024
Chevtchenko
Guillaume Chapnick
Salle Jean-Claude-Germain
4 au 23 mars 2024
Coup de vieux
Larry Tremblay
Salle Michelle-Rossignol
18 mars au 13 avril 2024
S’enjailler
Stephie Mazunya
Salle Jean-Claude-Germain
15 avril au 15 mai 2024
Délier nos langues
École de théâtre professionnel du Collège Lionel-Groulx
Hall
20 avril 2024
Pisser debout sans lever sa jupe
Olivier Arteau
Salle Michelle-Rossignol
25 avril au 4 mai 2024
Abonnement
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