Bashir Lazhar
Evelyne de la Chenelière
Une production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Salle principale
19 septembre au 14 octobre 2017
1 h 10 sans entracte
Bashir Lazhar retrace le parcours d’un immigrant nouvellement arrivé au Québec, qui remplace au pied levé une institutrice qui s’est suicidée dans l’enceinte de l’école. La personnalité de Bashir et ses initiatives pédagogiques se heurtent à la frilosité et à l’incompréhension de ses pairs et des parents d’élèves. Les préjugés latents font surface et révèlent le choc provoqué par la rencontre des cultures.
La recréation de ce texte d’Evelyne de la Chenelière, dix ans après sa création et une adaptation cinématographique couronnée de succès, met en lumière un répertoire québécois vivant qui, au cœur de la crise migratoire et du repli identitaire des pays de l’Occident, se révèle d’une vibrante actualité.
Interprétation
Mot de l’autrice
Puisque le théâtre a le pouvoir de faire parler entre eux les vivants et les morts
S’il est vrai que le théâtre a le pouvoir de faire parler entre eux les vivants et les morts, que l’écriture abolit le temps et donne accès à l’éternité, je te parle, cher Denis, depuis la terre que tu as quittée brusquement et où, depuis, il neige sans toi pour aimer voir tomber la neige.
Je te parle, et je te fais parler dans ma tête, éternellement, je ne me gêne pas, je te fais dire tout ce que je voudrais t’entendre me dire, je te fais applaudir mes progrès et trouver un sens à mes défaites.
Je nous invente des conversations.
DENIS
Bonjour Evelyne.
EVELYNE
Denis ! T’es là ! Tu vas bien ?
DENIS
Super. Je découvre plein de choses, c’est passionnant. Tu peux même pas imaginer tout ce qui t’attend.
EVELYNE
Ah oui, hein…
DENIS
Oui, ça va te plaire j’en suis sûr.
EVELYNE
J’en doute pas, j’ai hâte. Non, c’est pas ce que je voulais dire…
DENIS
Prends ton temps, hein, te presse pas.
EVELYNE
Bien sûr, oui, je vais prendre mon temps, je vais essayer. T’as l’air en pleine forme.
DENIS
Toi aussi. Et t’as pris un petit coup de vieux, ça te va très bien.
EVELYNE
Merci, t’es gentil.
DENIS
Tu dois être contente, l’hiver est terminé.
EVELYNE
Oui.
DENIS
Moi j’aime beaucoup l’hiver québécois.
EVELYNE
Je sais, je sais.
DENIS
C’est tellement beau, la neige.
EVELYNE
Il faut que je te dise, Denis, ils remontent Bashir Lazhar…
DENIS
Je sais.
EVELYNE
C’est Sylvain Bélanger qui fait la mise en scène.
DENIS
J’aime beaucoup Sylvain.
EVELYNE
Et le comédien, tu sais…
DENIS
Oui, Rabah Ait Ouyahia. Formidable.
EVELYNE
Oui, c’est assez émouvant parce que c’est son premier rôle au théâtre.
DENIS
Ah c’est pas mal, pour commencer.
EVELYNE
Je l’ai rencontré. Son regard est très vif. Il a un beau sourire.
DENIS
J’ai hâte de le découvrir.
EVELYNE
Je voulais te dire…
DENIS
Oui ?
EVELYNE
Ce personnage, je l’ai créé pour toi. Non, en fait on l’a créé ensemble.
DENIS
On a bien travaillé, hein ?
EVELYNE
Et j’aime penser que tu es toujours un peu sur scène quand la pièce est montée.
DENIS
Je suis là où tu veux.
EVELYNE
Vraiment ?
DENIS
Bien sûr. Puisque le théâtre a le pouvoir de faire parler entre eux les vivants et les morts, puisque que l’écriture abolit le temps et donne accès à l’éternité, je peux être où tu veux.
EVELYNE
Tu crois ?
DENIS
En fait, écrire, c’est comme neiger : ça relie le ciel et la terre.
Ils sourient tous les deux. Il se met à neiger. Ils regardent les flocons qui tombent lentement.
— Evelyne de la Chenelière
Mot du metteur en scène
Bashir Lazhar en 2017
Bashir Lazhar fait d’abord appel en chacun de nous à ces questions qui serrent le cœur : en perdant ce que nous avons de plus précieux au monde, est-ce possible de recommencer sa vie ? Sommes-nous condamnés à remplacer ceux qui nous manquent ?
Mais recréer Bashir Lazhar au Québec aujourd’hui, c’est aussi prendre le temps d’observer le réfugié politique. En se demandant si on lui donne une chance. Une vraie chance. Une chance égale. Le récit prend en compte une convention à la base non réaliste : quand donne-t-on une telle chance dans une commission scolaire aujourd’hui ? Peu probable. Moi j’aime l’idée d’Evelyne qui nous dit : Et si ?.
Et c’est à partir de là qu’on peut vérifier si cette chance est réelle, égale et juste, qu’on peut vérifier si le réfugié a une chance égale, une fois la porte ouverte. Face à la direction de l’école, face aux collègues, face au système. Et c’est là qu’Evelyne propose qu’on lui donne les armes qui causeront sa perte mais qui sont pour moi des ressources qui forcent l’admiration : un jugement face au système et le sens des initiatives.
Bashir Lazhar en 2017, c’est aussi l’arabe en 2017, au Québec, de plus en plus stigmatisé par les associations instantanées au terrorisme. Mais il semble aussi que plus les attentats s’approchent de nous, plus le radicalisme change de côté. Nous entendons avec de moins en moins de complexes les membres de La Meute, les néonazis, les radios poubelles, et cette masse de moins en moins silencieuse en Occident alimente une vague importante de replis identitaires. L’époque est conflictuelle en ce sens pour les Québécois. On revient plus fréquemment sur le sujet. Nous prenons conscience que des individus rentrent tous les jours, en tentant leur chance, avec une valise et beaucoup de courage et d’attentes envers le Québec. Je me dis que c’est maintenant à nous d’être à la hauteur. Car la crise humanitaire actuelle est la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La crise migratoire s’est intensifiée ces dernières années et a atteint des sommets alarmants. Cette situation humanitaire transforme également le paysage politique de l’Occident, avec des poussées de quelques personnages publics et politiques plus radicaux de moins en moins isolés : Donald Trump, le Front National…
Notre frontière s’ouvre, heureusement, mais c’est une fois la porte ouverte que les défis commencent. Et il va falloir commencer à réaliser que le défi est partagé. Il ne suffit pas d’ouvrir une porte et de laisser le monde se débrouiller. La chance doit être égale, réelle, équitable.
Recréer Bashir Lazhar au CTD’A en 2017, c’est recréer l’expérience de la pièce dans la salle. Car je donne une chance à un acteur, d’abord rappeur, qui n’a jamais fait de théâtre. C’est prendre à bras-le-corps les défis de l’ouverture et de l’équité. C’est autant Rabah qui intègre un milieu de travail que Bashir. C’est un artiste qui rencontre un autre public. Le défi de Bashir EST celui de Rabah. Ce qui se passe dans le récit d’Evelyne sera vécu sur scène : l’appel du risque, l’intrusion et surtout, le désir de surmonter les différences. Les projecteurs sont autant braqués sur nous et sur notre réaction face à lui. Sur nos réflexes secrets. Sur nos préjugés, qui seront testés tout au long de la représentation. Jusqu’où sommes-nous ouverts ? C’est la question que je pose avec cette expérience théâtrale aux allures de projet social.
C’est un défi pour Bashir, pour Rabah, pour le CTD’A. Pour le public. Un défi au théâtre. Mais c’est d’abord et avant tout un défi de nos sociétés.
— Sylvain Bélanger
Extraits de critiques
« Quelle bonne idée du Théâtre d’Aujourd’hui de recréer ce texte ! […] la production signée Sylvain Bélanger est une réussite à tous points de vue : jeu, mise en scène, conception scénique. Si vous avez une pièce à voir cet automne, c’est celle-ci ! Issu du monde de la musique rap, vu au cinéma et à la télévision, Rabah Aït Ouyahia fait ici, à 42 ans, son baptême des planches. L’acteur est tout simplement splendide de charisme, de présence et de vérité ! »
Luc Boulanger, La Presse
« Dans la sobre mise en scène de Sylvain Bélanger, Bashir Lazhar devient la pièce de l’heure : celle qui radiographie notre monde avec une acuité que les crises évacuent dans la vraie vie. »
Odile Tremblay, Le Devoir
« Se mettant profondément au service de l’écriture, le metteur en scène Sylvain Bélanger achève de hisser Bashir Lazhar au rang des textes dramatiques québécois les plus importants des deux dernières décennies. Refusant toute actualisation qui aurait fait de Bashir un réfugié en haillons arrivé par la frontière de St-Bernard-de-Lacolle, sa mise en scène est intemporelle et feutrée, presque toute concentrée sur l’acteur. Et quel acteur ! »
Philippe Couture, Voir
« Rabah Aït Ouyahia est stupéfiant. S’il a une expérience de la scène comme musicien, c’est cependant la première fois qu’il fait du théâtre et le défi était grand. Admirablement dirigé par Sylvain Bélanger, il le relève magistralement avec un mélange de candeur et de force tranquille en même temps que dans son regard se révèle toute la souffrance du monde. »
Marie-Claire Girard, Huffington Post Québec
« Fluide et naturelle, la mise en scène de Sylvain Bélanger semble prolonger l’histoire de ce déraciné qui se cherche de nouvelles racines. »
Marie-Christine Hellot, Revue JEU
« Ce texte n’a pas pris une ride, bien au contraire. Il ne peut pas être plus d’actualité avec tous ces reportages et papiers sur les réfugiés et les enseignants. Sylvain Bélanger a réussi à porter de manière fort habile le texte drôle et touchant d’Evelyne de la Chenelière. Il en fait ressortir la poésie derrière laquelle se cachent plusieurs drames. »
Marie-Anne Poggi, Les Irrésistibles de Marie-Anne
« En portant entièrement la pièce sur ses épaules, Rabah Aït Ouyahia parvient à rendre le monologue de façon magistrale et ressentie. Il livre ainsi une grande performance qui bouleverse l’assistance. »
Roxanne Guérin, Montheatre
« Le véritable miracle ici s’appelle Rabah Aït Ouyahia. »
Pierre-Alexandre Buisson, Bible Urbaine
« Je vous en conjure, courez tout de suite au Théâtre d’Aujourd’hui. Les représentations y auront lieu jusqu’au 14 octobre prochain. Entre la mise en scène de Sylvain Bélanger et l’interprétation de Rabah Aït Ouyahia, les textes d’Evelyne de la Chenelière prennent tout leur sens. »
Valérie Garrigue, Dario Bivona Blog
« La mise en scène de Sylvain Bélanger permet d’entrer dans l’intimité de la pièce. Toute en sobriété, elle met en valeur le solo de Rabah Aït Ouyahia. Quant au texte d’Evelyne de la Chenelière, il s’apparente à une véritable leçon de vie. »
Thomas Campbell, Mazrou
« La saison 2017 – 2018 de la salle principale du Théâtre d’aujourd’hui s’ouvre donc sur un nouveau classique de notre dramaturgie, grâce à la vision d’un directeur artistique qui n’a pas froid aux yeux et à un nouvel acteur qui, avec son metteur en scène, prend « à bras-le-corps les défis de l’ouverture et de l’équité », comme le souligne Sylvain Bélanger dans le programme. Un triple jeu réussi. »
Yanik Comeau, Zone Culture
« Le ton est juste sans devenir trop corrosif et les mots d’Evelyne De La Chenelière, comme toujours, nous happent par ce regard dur, parfois volontairement décalé et semi-onirique, mais toujours exact du monde. Il faut voir ce spectacle. »
Jordan Dupuis, Quartier Général — collectif culturel
Volume 11 – Saison 17/18
Bashir, la chair, l’image, le mot
Evelyne de la Chenelière et Philippe Falardeau
Équipe de création
Régie générale
Scénographie
Lumière
Musique originale
Costumes
Maquillages
La nuit du 4 au 5
Rachel Graton
Salle Jean-Claude-Germain
26 septembre 2017 au 18 décembre 2018
Le Wild West Show de Gabriel Dumont
Collectif d’auteurs
Salle principale
31 octobre au 18 novembre 2017
Savoir compter
Marianne Dansereau
Salle Jean-Claude-Germain
7 novembre au 1er décembre 2017
Nyotaimori
Sarah Berthiaume
Salle principale
16 janvier au 3 février 2018
Jean dit
Olivier Choinière
Salle principale
20 février au 17 mars 2018
Chienne(s)
Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent
Salle Jean-Claude-Germain
13 mars au 7 avril 2018
Les Hardings
Alexia Bürger
Salle principale
10 avril 2018 au 22 mai 2022
Déterrer les os
Fanie Demeule et Gabrielle Lessard
Salle Jean-Claude-Germain
17 avril au 9 mai 2018
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