Neige sur Abidjan

Neige sur Abidjan c’est le récit d’un voyage que j’ai mis quinze ans à mettre en mots et en images. Quinze années nécessaires pour revisiter les premières impressions mises sur le papier à mon retour de Côte d’Ivoire en 2008, mais aussi pour accueillir et comprendre les liens qui allaient se développer dans les années à venir et qui ont su trouver leur chemin jusqu’au spectacle qu’on s’apprête à présenter. C’est un périple qui s’inscrit sur la durée. C’est le fruit d’un apprentissage des dimensions « plus subtiles et plus essentielles » de l’Âme, une redéfinition de la réalité au-delà du concret observable et tangible.

Comédien depuis l’âge de dix ans, je porte la parole des autres depuis déjà trente ans. Aujourd’hui, je fais le pacte de me livrer sans pudeur. J’invite le public à partager un dialogue très intime, une confidence. Et pour assurer le passage à la scène de cette autofiction, j’ai la chance de retrouver pour une quatrième fois Marc Beaupré, précieux complice dès mes premiers pas au théâtre (Caligula remix, en 2010). Nous pourrons également compter sur les talentueux concepteurs qui ont accepté de se joindre à l’aventure pour proposer avec ce spectacle une forme théâtrale innovante où divers médiums artistiques se mélangeront. Vive le métissage !

Avec Neige sur Abidjan, on est aussi très heureux de proposer une rencontre avec un être d’exception. Hamadoun Kassogué, grand acteur et homme de théâtre vivant au Mali, sera sur la scène du CTD’A pour porter ce récit à mes côtés. Les mots me manquent pour vous dire à quel point je suis touché qu’il ait accepté mon invitation !

— Iannicko N’Doua

Ma fraternité artistique avec Iannicko N’Doua est la plus longue de toutes celles que j’ai développées depuis ma sortie de l’école de théâtre, il y a 25 ans, dans l’autre millénaire (rien de moins).

Notre toute première rencontre m’est très chère : nous étions jeunes, sur un plateau de tournage, moi au sortir de l’école de théâtre, lui encore adolescent, et nous devions interpréter une scène dans laquelle mon personnage forçait le sien à battre son meilleur ami. Je me souviens avoir eu tout juste le temps de me présenter, de lui signifier mon vrai nom, et lui le sien. Nous avons échangé quelques mots, reconnu la grande violence de la scène, puis nous nous sommes lancés, cherchant dans les échauffourées successives à attraper le regard de l’autre pour nous assurer qu’il était « ok », et ce moment représente parfaitement, pour moi, le sens et la beauté de la « représentation artistique » poussée à l’extrême. Le public devait, en visionnant la scène, comprendre très exactement le contraire de ce que nous nous appliquions à faire, un personnage en agressait un autre, mais au même moment, deux artistes s’appliquaient très sérieusement à se protéger. La violence fictive, pour moi, ne pouvait avoir de valeur que si elle était égalée, dépassée par la complicité qui la rendait possible. Nous étions une équipe. 

Nous le sommes encore.
Et j’en suis très fier.

Depuis, il y a eu Caligula_​remix, Dom Juan_​uncensored et Fredy. Iannicko sur scène, moi qui le dirigeais.

Neige sur Abidjan est notre 4^e spectacle, et si ma complicité avec lui m’apparait si forte aujourd’hui, c’est parce qu’elle est aussi jalonnée de divergences d’opinions, et que ces divergences m’ont fait grandir, ont affiné mon âme. La reprise de Fredy, notamment, nous divisait, mais je comprenais et respectais ses raisons, et je sais qu’il comprenait et respectait les miennes, et la valeur de Neige sur Abidjan, aujourd’hui, pour moi, en est magnifiée, parce que ce spectacle témoigne de la résilience de notre affection mutuelle. 

Iannicko m’a proposé la mise en scène de cette première œuvre dramaturgique qui raconte la quête d’un Fils traversant l’océan pour retrouver son Père, que non seulement il interprétera lui-même en compagnie du merveilleux Hamadoun Kassogué, mais où il abordera une part d’intimité avec un courage que j’ai rarement vu. C’est un immense honneur qu’il m’a fait, et j’ai tâché d’en être digne. 

Cette histoire, la nôtre et celle que nous allons vous raconter, m’est sacrée. Voilà. 

Bon spectacle

— Marc Beaupré

Orange Noyée est une compagnie de production en arts vivants fondée par Mani Soleymanlou en 2011. Elle met de l’avant la création contemporaine en proposant à tous les publics au Canada et à l’étranger un théâtre qui se veut engageant, populaire et participant à la conversation inter-culturelle.