Ici par hasard

J’aimerais vous dire quelque chose de globalement facile à comprendre, j’ai écrit ça parce que ça, je voulais faire réaliser aux gens que bla bla bla, j’ai toujours eu cette obsession pour telle chose, mais la vérité, c’est que je sais pas comment ce texte-là a commencé à exister dans ma tête. Je n’arrive pas à nommer l’étincelle, le besoin fou de dire, le moment de bascule, ce qui sépare le avant et le après.

Ici par hasard est sorti de moi sans même que je m’en rende compte : le metteur en scène m’a donné un (très bon) titre, les interprètes m’ont parlé de leurs peurs et de leurs rêves scéniques, on a débattu à savoir si Tchekhov était complètement coucou de dire qu’il écrivait des comédies, et ça a été ça. Je suis retournée chez moi, je me suis assise à mon bureau et j’ai écrit. Douze heures plus tard, j’avais une structure, des personnages, une courbe dramatique, un début pis un milieu. J’ai pris une pause d’écriture, j’avais fin pis anyways j’avais pas d’idée pour la faim. Oups, scusez : j’avais faim, pis j’avais pas d’idée pour la fin. 

Le lendemain, j’ai fait lire ce que j’avais à l’équipe, et — je vous le jure mais comment pourrais-je le prouver ? — l’air a changé de densité. On a surfé là-dessus, let’s go on continue, on a jasé de la fin, du sens de la patente, de la métaphysique de l’existence, puis y’a eu comme… une étincelle ? un besoin fou de dire ? un moment de bascule ? En tout cas, pour moi, il y a eu un avant et un après. C’était l’hiver, mais un vent chaud s’est quand même engouffré dans la salle de répétition et nous a chuchoté quelque chose genre « ok la gang, prenez-vous une tsite sip de Limoncello, on l’a ». Je suis rentrée chez moi, j’ai écrit la fin. Le surlendemain, le vent chaud est devenu une tempête importante : Ici par hasard, une comédie sur le suicide, était née. 

Si vous lisez ceci, c’est parce que vous êtes encore ici, c’est peut-être pas grand-chose mais sérieux c’est déjà ça.

— Carolanne Foucher

C’est avec beaucoup d’admiration que j’ai invité Carolanne à prêter sa plume à cette nouvelle création du Théâtre La moindre des choses. Son regard sur le monde, d’une sensibilité rare, résonne en moi d’une manière unique. J’aime la façon dont elle tisse ensemble poésie et ludisme, profondeur et légèreté, le tout avec un équilibre délicat empreint d’humour et d’une justesse saisissante. C’est en lisant ces œuvres que je me suis rendu compte qu’elle et moi partagions un intérêt artistique commun pour les grandes questions existentielles, dont celles qui surgissent avec le deuil ou la perte d’un être cher. C’est devenu très clair pour moi que je voulais qu’elle soit la première autrice avec qui collaborer dans le cadre de cette résidence artistique que nous offre le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

Jusqu’à maintenant, La moindre des choses était connue pour ses propositions déjantées, absurdes et remplies d’humour. Avec Ici par hasard, j’avais envie qu’on s’aventure cette fois sur un terrain délicat : se servir de l’humour comme outil pour aborder des thèmes plus difficiles, tel que le suicide, mais principalement celui du deuil. Une comédie sur le suicide et le deuil ? Un pari risqué quand même ! Mais un pari profondément humain. Je pense que nous y sommes parvenus. Du moins j’espère ! Vous me direz après le show ! 

Pourquoi le deuil ? Parce que, crisse que ça fait mal. C’est un abîme dans lequel je plonge toujours avec beaucoup difficulté, un vertige face au sentiment d’impuissance que cause la perte irréversible. On ne peut pas revenir en arrière. Avec Ici par hasard on explore, d’une certaine façon, ce fantasme. Revenir en arrière. Est-ce que c’est possible ? Le deuil nous force à regarder en face la fragilité de la vie et son absence de sens. Le deuil ébranle notre vision du monde, nos croyances, et nos certitudes. Mais le deuil ouvre aussi un espace pour redéfinir notre rapport à la vie et à nous-mêmes. En traversant cette douleur jusqu’au bout, en l’embrassant pleinement, il nous offre également une chance. Une chance de reconstruire un sens, plus profond, plus aligné avec ce que nous sommes. 

C’est ce processus de reconstruction que je souhaite partager avec le public. En version accélérée d’1h45 sans entracte, oui, mais quand même ! Parce que je pense qu’au bout du deuil et de la quête de sens qu’il impose, il y a une lumière. Un souffle nouveau. Et c’est là que réside, je crois, la véritable essence de cette création.

— Cédrik Lapratte-Roy

La moindre des choses est une compagnie qui crée des œuvres de comédies existentielles à travers un processus d’écriture collaborative qui, en utilisant l’absurde et la philosophie comme moyens d’expression, offrent un regard ludique et profond sur les enjeux de l’existence humaine. Nous produisons un théâtre ancré dans l’actualité et en phase avec les préoccupations existentielles de nos collaboratrices et collaborateurs grâce à une démarche collective de création. Nous proposons des spectacles qui surprennent le public par leurs formes innovantes et sans compromis.

La moindre des choses cherche à repousser les limites de la représentation théâtrale en manipulant les codes qui y sont inhérents, en alliant différentes formes et en proposant des œuvres qui se distinguent par leur originalité et par leur manière inédite de s’adresser au public. Notre mandat est de faire de la niaiserie une œuvre d’art, de magnifier le réel, de surprendre le public, de changer le plomb en or, d’arrêter le temps et de chercher à vaincre la mort, parce que c’est bien la moindre des choses.