Une fin

J’ai enfin fini d’écrire Une fin.

Commencé quelque part en janvier 2018, ça m’aura pris six années pour peaufiner ce texte qui est à la fois mon plus tragique et mon plus tendre. Oui, il y règne ce que j’ai envie d’appeler, là, maintenant, une « tragique tendresse ». 

Je n’ai pas écrit cette pièce pour vous rappeler que nous traversons une crise environnementale sans précédent, que nous avons déjà éliminé la moitié des espèces vivantes et que le pire est à venir. Ça, vous le savez déjà. J’ai plutôt tenté d’observer ce qu’il y avait à côté de la catastrophe, ce qui n’était pas impressionnant ni grandiose à prime abord, ce qui était à l’intérieur de nous. 

Une fin parle d’humanité dans ce qu’elle a de plus intime et de plus simple. Une fin parle de la soutenable banalité de l’être. D’empathie aussi. Et j’ai eu envie d’un geste d’écriture franc : entremêler le plus de destins possibles dans une pièce chorale, une pièce-mosaïque. Il n’y a pas de héros. Ou alors le sont-ils tous ? Je ne sais pas, mais ce soir, vous allez rencontrer des humains que vous ne connaissez pas. Tout simplement. Il suffira de vous laisser porter au gré des rencontres dans ce moment que je souhaite suspendu, hors du temps. 

Bonnes rencontres.

— Sébastien David

Devant l’inéluctable fin qu’il imagine, devant la dissolution du monde tel qu’on le connait, Sébastien David nous interroge sincèrement ; y aurait-il encore, malgré tout, de l’espoir ? Pour y répondre, il déploie une panoplie de personnages qui sont traqués comme des proies dans les griffes d’un prédateur et qui acceptent pourtant de faire face à leur destin. De renouer avec un désir profond. Celui de vivre. Enfin. Armés de leur philosophie du banal et de leur foi sans Dieu, ces personnages naviguent de l’absurde au tragique. Mais leur cœur carbure jusqu’au dernier souffle. Continue de battre. De nous irradier de leur beauté ordinaire.

Quand nous avons lu Une fin avec les membres de L’Ensemble, quelque chose dans l’atmosphère s’est relâché. Étrangement, on a ressenti de la joie face à cette ingénieuse prémisse. Une permission. On a eu envie d’habiter la scène en exposant nos altérités, nos différences, nos binarités et nos complexités. On a eu envie de convoquer nos anxiétés collectives et nos fragilités individuelles et de les marier à nos amours inachevées, à nos cris à libérer, à notre bienveillance crasse. On a eu envie d’occuper le théâtre en y réunissant un nombre imposant d’interprètes. De prêter corps. De célébrer à plusieurs, le difficile et pourtant magnifique état de vivre en ce monde.

— Laurence Dauphinais et Patrice Dubois

C’est en mai 2019 que le PàP a mis sur pied L’Ensemble, un groupe d’artistes se regroupant autour d’idées, de lieux et d’enjeux dans le but d’élaborer un langage commun et d’en déployer la teneur au cœur de différents projets théâtraux. Défiant les courbes des « saisons théâtrales », L’Ensemble se déploie dans le temps long de la création, sans toujours être lié à des objectifs de production.

Formé de membres venus d’horizons, de parcours et de réalités artistiques et culturelles différentes, le groupe se repaît des connaissances des autres pour créer et alimenter une conversation en continue. Interprètes, dramaturges, œil extérieurs, chercheurs et chercheuses, lecteurs et lectrices, les artistes se dédient à différents rôles selon la nature et le cours des projets.

Fondé en 1978 et riche d’une centaine de spectacles à son actif, le Théâtre PàP est une compagnie théâtrale engagée dans la création de textes contemporains, majoritairement issus de la dramaturgie québécoise. Le PàP instille un état d’esprit ouvert et collaboratif dans le développement de ses projets comme dans la diffusion de son travail. L’Ensemble, son groupe d’artistes permanent, incarne l’engagement du PàP envers une pratique souple et rigoureuse qui se déploie dans le temps long de la création.